Tout ce qui est en Dieu

Voici un court livre (137 pages sans les indexes) qui présente avec clarté le théisme classique chrétien. Cela en fait un ouvrage digne d’attention, car le théisme classique n’a rien de simple. Ce dernier a un riche héritage dans l’Histoire de l’Église, des Pères à la réforme magistérielle, en passant par les mastodontes de la théologie médiévale (tel d’Aquin) et de la réforme (tel Calvin). Pourtant, ces dernières décennies, cette conception de Dieu a été prise d’assaut par des théologiens, même évangéliques. All That is in God est donc aussi une œuvre polémique. 

Dolezal commence par présenter le modèle rival au théisme classique dans le monde évangélique actuel : le mutualisme théistique (« theistic mutualism »). Il existe tout un spectre de théologiens embrassant ce point de vue, mais l’idée principale est que Dieu, dans son être, est capable d’être mû par ses créatures (3). De tels théologiens de tendance réformée diront, par exemple, que Dieu choisit dans sa souveraineté d’être mû dans son être par sa création, que cela soit par un changement de connaissance ou d’état émotionnel. Certains allant jusqu’à dire que Dieu choisit souverainement de souffrir dans son être. La critique que font souvent ces théologiens vis-à-vis du théisme classique est qu’il présente un Dieu qui est froid et distant. Contrairement à leur modèle qui présente un Dieu qui est relationnel. Pour eux, une vraie relation entre l’homme et Dieu implique qu’il y ait une influence réciproque de l’un sur l’autre, et ainsi du changement en Dieu. 

Cet ouvrage est donc une défense du théisme classique en réponse au mutualisme théistique. Il parcourt chapitre par chapitre des points de la doctrine de Dieu où ces deux visions de Dieu entrent en collision : l’immuabilité, la simplicité, l’éternité, et l’unité substantielle de Dieu. Mais le cœur de son argument se joue sur la doctrine de la simplicité divine. Selon Dolezal, la simplicité divine est la pièce maîtresse de la « grammaire » régulant notre doctrine de Dieu (38). C’est l’érosion de cette doctrine qui a conduit au développement du mutualisme et à un rejet de plus en plus marqué du théisme classique. Mais alors, qu’est-ce que la simplicité divine ? 

« Dieu est absolu dans son existence. Il ne dépend de rien d’autre que de lui-même »

Très simplement, c’est l’idée que Dieu n’est pas composé de parties (40). Autrement dit, Dieu n’est pas un être composite. Ainsi, tout ce qui est en Dieu est Dieu. Dieu est absolu dans son existence. Il ne dépend de rien d’autre que de lui-même (ce qui ne serait pas le cas s’il était composé de parties). En langage philosophique, cela veut dire qu’il n’y a pas de différence entre son existence et son essence. Ainsi, l’essence de Dieu n’est pas composée d’amour, de justice, et de bonté. Ces choses sont des manifestations de son indivisible essence. Dieu est amour car il est Dieu, pas parce qu’il possède une propriété appelée « Amour ». La doctrine de la simplicité exprime négativement (« Dieu n’a pas de composants ») ce que la doctrine de la pure actualité divine (actus purus) proclame positivement : Dieu est pure actualité, son être est plénitude absolue. C’est à dire qu’il n’y a pas de potentiel, pas de « devenir » en Dieu. Il est celui qui est. Son essence, c’est d’être.

Cependant, Dolezal ne se contente pas de faire une présentation philosophique. Il montre que le témoignage des Écritures nous conduit à comprendre Dieu comme un être simple. Il n’en demeure pas moins que son exposé est plus théologique et philosophique qu’exégétique. Cela en fait un livre à la bibliographie riche de théologiens surtout passés, mais aussi présents.

« Ceci n’est pas une doctrine obscure sans importance »

La simplicité, une doctrine pleine de mystères et qui pose plein de questions. Elle est si dure à comprendre car il n’y a rien d’équivalent dans toute la création. Nous sommes tous des êtres composites. Un être simple dépasse notre compréhension. Cet article n’est pas l’endroit pour relever toutes les objections à la simplicité divine et y répondre. Si vous souhaitez lire plus sur le sujet, c’est l’ouvrage qu’il vous faut. 

Il convient de relever que cette doctrine n’est pas une doctrine obscure sans importance. Dolezal démontre ô combien elle joue un rôle essentiel dans notre conception de l’immuabilité et de l’impassibilité (ch. 2), de l’éternité de Dieu (ch. 5). Elle joue notamment un rôle clé dans la doctrine de la trinité. Sans elle, il est dur d’échapper à l’accusation des musulmans que nous sommes trithéistes ! La doctrine de la simplicité permet de maintenir l’unité essentielle de Dieu tout en respectant l’intégrité des 3 personnes (ch. 6).

All That is in God est un excellent livre pour nous émerveiller devant l’être incompréhensible qu’est Dieu, au point de parfois faire tourner la tête. Cet ouvrage est très bien documenté. Son côté polémique en fait un livre d’actualité dans le monde de la théologie systématique. Mais sa plus grande plus-value est incontestablement sa capacité à rendre accessible un sujet si complexe avec tous ses enjeux en si peu de pages. Cela dit, il demeure un ouvrage destiné à des gens ayant quelques bases en théologie. 

Bref, c’est une superbe introduction au théisme classique en conflit avec les reconstructions mutualistes modernes. Je le recommande chaudement à tout pasteur, étudiant en théologie, ou amateur de théologie propre. 

Dolezal, James E. All That Is in God: Evangelical Theology and the Challenge of Classical Christian Theism. Grand Rapids, Michigan: Reformation Heritage Books, 2017.

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