Érreurs d’Exégèse

Tout chrétien s’engage dans un travail d’exégèse dès qu’il ouvre la Bible et cherche à comprendre le sens d’un passage. C’est un aspect important du travail de l’enseignant de la Bible. Une exégèse saine est essentielle pour avoir un enseignement véritablement conforme à l’Écriture. Malheureusement, les erreurs d’exégèse ne sont que trop courantes (15, intro) [1]. C’est pour pallier ce problème que Carson a écrit ce livre, qui s’adresse principalement à des pasteurs/enseignants. Il ne s’agit pas d’un catalogue d’erreurs commises par tel interprète sur tel texte. Son objectif n’est pas non plus de défendre telle ou telle interprétation d’un texte particulier, mais de mettre en lumière des méthodes plus que douteuses. Ce livre traite d’erreurs de méthode ou de raisonnement dans l’exégèse de texte. Il est, en effet, essentiel à l’étudiant des Écritures de s’assurer que son interprétation est justifiée par le texte ! Carson regroupe ces erreurs dans quatre catégories, chacune formant un chapitre du livre.

1. Érreurs dans l’Étude des Mots

Les types d’erreurs mentionnées ici sont certainement parmi les plus communes. Carson n’en relève pas moins de 16 ! Les mots font l’attention particulière des exégètes, mais peuvent être si aisément malmenés. Ces erreurs sont souvent dues à un manque de considération ou de compréhension de la sémantique et de la façon dont les mots fonctionnent. Ainsi, le sens d’un mot n’est pas fixe dans le temps. Il n’est pas non plus nécessairement défini par sa racine (par ex. cerf-volant). Les choses se compliquent lorsque l’on travaille avec un texte traduit. Par exemple, le champ sémantique d’un mot français utilisé pour traduire un mot grec sera très certainement différent du champ sémantique du mot grec. Certaines erreurs nous mènent dans les méandres de la linguistique, mais Carson fait un bon travail de vulgarisation à ce niveau-là. La plupart de ces erreurs paraissent évidentes lorsque Carson les expose. Elles sont pourtant si facilement commises si l’on ne fait pas attention. Carson suggère que la prolifération de ces erreurs est en grande partie due au fait que beaucoup de prédicateurs ont assez de connaissances en grec pour utiliser une concordance, mais sans comprendre vraiment la façon dont ce langage fonctionne (64, conclusion ch 1). La solution est bien d’approfondir ses connaissances en grec et en linguistique ! Carson conclut sur une note d’encouragement : quelle que soit votre connaissance en grec ou en linguistique, être attentif au contexte permet d’éviter la plupart de ces erreurs ! Oui, les mots en eux-mêmes ne sont pas tout, ils fonctionnent en système.

2. Erreurs Grammaticales

Les erreurs présentées ici sont plus techniques et ont trait à la grammaire grecque. Une partie traite des erreurs liées aux différents temps et modes verbaux. L’autre partie regroupe différentes erreurs liées à diverses unités syntaxiques, telles que les conditionnels et les articles. Une familiarité avec le grec sera nécessaire pour bénéficier de cette discussion. Il est important de noter que notre compréhension de la grammaire grecque est en constante progression. Ainsi, lorsqu’un commentaire biblique (particulièrement s’il est assez ancien) fait reposer tout un argument sur une règle de grammaire ou sur une construction verbale particulière, il convient de faire preuve de prudence et de vérifier à l’aide d’autres commentaires ! Comme le rappel Carson, même si la grammaire grecque a des règles bien définies, il faut également lui reconnaître une certaine flexibilité (66), ch 2). Il ne s’agit pas d’une formule mathématique. L’exégète fera bien de garder cela à l’esprit !

3. Erreurs de Logique

Carson référence 18 erreurs de ce genre. Il s’agit plus particulièrement d’erreurs de logique trouvées dans des arguments pour une interprétation particulière d’un texte (quelle qu’elle soit). Ces arguments, bien qu’ils peuvent être présentés de manière convaincante, sont tout au plus hasardeux. Cette liste est instructive. Ces raisonnements infondés et parfois manipulateurs ne sont malheureusement pas rares dans des discussions autour de points débattus ou contestés (que cela soit dans des commentaires ou autres livres, ou dans des débats oraux).

4. Erreurs de Présuppositions et Erreurs Historiques

Comme Carson le reconnait, il faudrait un ouvrage entier pour parler en détail de présuppositions et de questions d’épistémologie. La source des erreurs de présupposition est de ne pas prendre sérieusement en compte les présupposés de la Bible, que ce soit concernant sa nature, ou plus largement concernant une vision du monde biblique. Pour faire justice au texte biblique, l’exégète doit l’interpréter selon ses propres règles et présupposés, non selon les siens (de l’exégète). Les erreurs historiques, quant à elles, prennent leur source soit dans une incompréhension du contexte historique (une ignorance totale du contexte historique ou à l’autre extrême une reconstruction historique incontrôlée), soit dans une incompréhension des dynamiques de l’Histoire (par ex. l’ignorance de la complexité de la causalité d’événements).

5. Réflexions en Guise de Conclusion

Dans la première partie de sa conclusion, Carson présente quelques autres erreurs qu’il n’a pu traiter dans le corps du livre. Conscient du potentiel qu’a ce livre de décourager les étudiants de la Parole, Carson termine son livre par un encouragement à l’humilité dans la pratique de l’exégèse, et à être prêt à se remettre en question. Une interprétation fidèle n’est pas impossible !

L’étendue des diverses erreurs que Carson traite dans ce pourtant petit livre en font une ressource utile et précieuse pour tout enseignant et étudiant sérieux des Écritures. Mis à part le chapitre 2 qui est assez technique, le reste du livre est assez accessible. En même temps, il est parfois difficile à lire, car il nous renvoie à nos propres erreurs et manquements (je me suis reconnu plus d’une fois dans les erreurs citées !). Un bon livre pour l’humilité ! Son autre point fort est qu’il est plein d’exemples concrets de théologiens de tout bord (y compris lui-même). Ce livre est le fruit d’un désir sincère de vérité dans l’interprétation de la Bible. De plus, sa bibliographie est riche et variée ; elle témoigne d’un travail sérieux.

Bref, c’est un travail de grande qualité. Tout pasteur et enseignant de la Bible devrait l’avoir lu au moins une fois !

D.A. Carson, Erreurs d’Exégèse, Edition Impact, 2012


[1] Je n’avais pas de traduction française à disposition lors de l’écriture de cette recension. Les numéros de page correspondent à cette édition anglaise. J’ai rajouté le chapitre après le numéro de page pour faciliter la recherche de ceux qui possède une autre version, française ou autre.

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