L’essentiel dans l’Église

Comment faire grandir une Église ? Qu’est-ce que fondamentalement le ministère chrétien ? Quelle est la tâche du pasteur ? Et celle des membres ? Voici le genre de questions auxquelles Marshall et Payne répondent dans leur ouvrage « L’essentiel dans l’Église ».

Les auteurs utilisent la métaphore de la vigne et de son treillis pour nous aider à comprendre le ministère dans l’Église. Le travail de la vigne correspond à proclamer l’Évangile de Christ dans la puissance de l’Ésprit, de voir des gens se convertir, être transformés et grandir en maturité. C’est là l’essence du ministère chrétien : faire des disciples. Cependant, pour que la vigne grandisse de manière stable et durable, elle a besoin d’un treillis. Ce treillis, ce sont les structures qui supportent le ministère chrétien : un bâtiment, les finances, des équipes de volontaires, etc… La leçon clé de cette métaphore est que le treillis existe pour la vigne, et non l’inverse. 

Justement, le constat que font Marshall et Payne est que, dans bien des Églises, le travail de la vigne est délaissé et que la majorité des ressources (matérielles et humaines) sont orientées vers le treillis. Le problème avec ça, c’est que si l’on ne fait pas assez attention à la vigne, elle finit par mourir. Ainsi, bien des Églises sont peu productives, voire stériles, dans leur formation de disciples de Christ sincères. Alors, comment y remédier ? Selon les auteurs, nous avons besoin d’un changement radical de mentalité quant à notre façon de concevoir le ministère. 

On en vient à utiliser les individus pour le bien de la structure au lieu de mettre la structure au service des individus.

Le plus important est de concentrer nos efforts sur les individus plutôt que sur les structures (chap. 2).  Ainsi, Payne et Marshall mettent un fort accent sur l’édification, la croissance, la formation des individus à tous les niveaux et le développement du travail d’équipe. À l’inverse, se concentrer sur les structures conduit à chercher avant tout la croissance de la structure. On en vient à utiliser les individus pour le bien de la structure au lieu de mettre la structure au service des individus.

Cette vision centrée sur les individus au lieu des structures correspond à l’œuvre de Dieu dans le monde : rassembler et transformer des individus dans son Royaume au moyen de la proclamation de l’Évangile dans la puissance de l’Esprit-Saint (chap. 3). Ainsi, le travail de la vigne correspond à apporter la vérité de la Parole de Dieu à une autre personne, un travail accompagné par la prière. Tout le reste correspond à du travail de treillis.

Tout chrétien a le privilège et la responsabilité d’être impliqué dans le travail de la vigne.

Le travail de la vigne est donc ce qui importe vraiment. Mais est-il réservé aux pasteurs et aux spécialistes ? Se basant sur la signification de la venue de l’Esprit à la Pentecôte et à différents textes des épîtres (notamment Éph. 4), les auteurs démontrent que tout chrétien a le privilège et la responsabilité d’être impliqué dans le travail de la vigne (chap. 4). Nous sommes tous appelés à, et capables de, participer à l’œuvre divine qui correspond à rassembler et transformer des personnes dans le Royaume du Christ. 

Marshall et Payne montrent ensuite la variété de contextes dans lesquels les chrétiens peuvent exercer ce ministère de la vigne, c’est-à-dire de partager la vérité de la Parole de Dieu à d’autres, en dépendant sur Dieu par la prière. Cela peut se faire « n’importe quand, de n’importe quelle manière, envers n’importe qui » (53). Ainsi, le ministère de la Parole par lequel l’Église grandit n’est pas réservé au pasteur. Il est pour tout chrétien ! 

Il est donc essentiel de former les chrétiens pour qu’ils puissent à la fois grandir eux-mêmes en tant que disciples et grandir dans leur capacité à dire la vérité de la Parole de Dieu à tous (chap. 6). Se basant sur des textes du Nouveau Testament, les auteurs montrent que ce type de formation passe par la prière, l’enseignement, l’instruction pratique ainsi que des relations personnelles où la vie chrétienne est modelée. L’objectif de la formation est la croissance dans trois domaines : 

  • Conviction : connaissance de Dieu et compréhension de la Parole
  • Caractère : un caractère pieux 
  • Compétence : la capacité d’apporter1 la vérité de la parole de Dieu de façon variée, dans une attitude de prière (78)

Cette vision de la formation est riche. Il en découle que la formation ne peut pas se limiter à un programme de discipulat en 6 séances, bien que de tels programmes soient très utiles ! Elle implique un véritable investissement de la part de l’Église tout entière. 

La formation permet à chaque chrétien d’être impliqué dans la croissance de l’Évangile (Col. 1.6), qui comprend 4 étapes :

Essaimage (évangélisation) => Suivi (post-conversion) => Croissance => Formation (85)

Bien sûr, la formation au sens large fait partie de chaque étape après la conversion. Mais « formation » dans ce schéma correspond à une formation intentionnelle destinée à équiper le chrétien à participer à l’essaimage, au suivi de nouveaux chrétiens, et à la croissance continuelle de chrétiens plus matures. C’est une formation pour apprendre à aider les autres à croître plutôt que pour croître soi-même. Ce schéma permet de placer grossièrement différents individus à l’étape qui leur correspond afin d’évaluer leur besoin pour les aider à grandir vers l’étape suivante (avancer vers la droite sur le schéma).

Suivant ce paradigme, le rôle du pasteur est fondamentalement un rôle de formateur (cf. Éph. 4.12). C’est pourquoi les prédications du dimanche sont nécessaires mais pas suffisantes (chap. 8). Le pasteur doit être impliqué dans le ministère interpersonnel de la Parole au service des quatre étapes de croissance de l’Évangile. La manière la plus stratégique de faire cela est d’équiper les croyants pour ce ministère afin de multiplier les forces et non de tout faire soi-même (chap. 9). Le pasteur doit former des collaborateurs parmi les membres de son Église pour décupler la croissance de l’évangile. Certains de ces collaborateurs entreront peut-être dans le ministère pastoral à temps-plein, mais la plupart d’entre eux seront des membres laïcs de l’Église. Les chapitres suivants donnent des pistes très concrètes et pratiques sur le choix et la formation de collaborateurs. 

Évaluation

« L’essentiel dans l’Église » est un livre très important pour avoir une vision claire de la croissance de l’Église, du ministère de la Parole pour tous les croyants et plus spécifiquement du rôle du pasteur. Son point fort majeur est qu’il construit cette vision de manière rigoureuse sur la Parole de Dieu. Il en ressort une vision claire, finalement assez simple, et nécessaire pour chaque Église qui veut concentrer ses ressources sur ce qui compte vraiment. C’est également une vision excitante car elle implique chaque croyant dans l’œuvre de Dieu : rassembler et transformer des personnes dans son Royaume.

Ce livre se veut aussi très pratique. Il contient foison d’exemples concrets, de questions d’évaluation et de réflexion. Il ne présente pas juste une vision, mais il présente une image de ce à quoi cette vision pourrait ressembler sur le terrain, et donne des pistes concrètes pour la mettre en œuvre. Bien qu’il ait été écrit dans un contexte précis, il contient des principes clés qui transcendent les cultures. De plus, les auteurs reconnaissent que la mise en œuvre de cette vision se manifestera de façon différente selon les contextes. 

Bref, il s’agit d’un livre à lire à mettre entre les mains de tout membre impliqué d’une Église, en particulier les anciens et les pasteurs. 

Marshall, Colin, and Tony Payne. L’essentiel dans l’Église: apprendre de la vigne et de son treillis. Lyon: Éd. Clé, 2015.

  1.  « apporter » traduit « to speak ». L’édition française a choisi de traduire par « proclamer ». Je trouve que « proclamer » a une connotation trop formelle et donne l’image d’une personne proclamant du haut d’une estrade ou dans les rues. C’est justement cette connotation formelle que les auteurs cherchent à éviter en utilisant « to speak », car ils ne veulent surtout pas limiter le ministère de la Parole à la prédication ou l’étude biblique. Le ministère de la Parole s’exerce souvent pour tout chrétien dans la simplicité du quotidien quand on apporte une vérité de la Parole de Dieu au détour d’une conversation pour encourager un frère ou faire réfléchir un non-croyant. Il me semble qu’« apporter » rend plutôt bien ce caractère simple et informel. ↩︎

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *